Tranches de vie
Publié le 03/01/2012 à 20:57 par geneapope
Maéva... un joli souvenir polynésien.
Que de souvenirs liés à ce pays béni des dieux ! J'était alors affecté sur le porte-avions Foch, et nous avions entrepris ce long voyage en mer pour participer à une campagne d'expérimentations nucléaires. Partis de Toulon, nous rejoignâmes l'île de Tahiti après plusieurs escales comme Dakar, Diégo-Suarez et Nouméa.
Un voyage de plus de 20.000 kilomètres, de l'autre côté de la planète.
Le Foch étant trop imposant pour mouiller dans le port de Papeete, nous stationnions dans le lagon de Vaïrao, situé dans la presqu'île attenante à Tahiti. Le Génie avait fait dynamiter le récif de corail, agrandissant ainsi la passe, ce qui nous permettait d'entrer dans le lagon.
Vaïrao ! Petit village tahitien, avec ses maisons couvertes en tôles, aux murs en bois, peints de couleurs vives, aux ouvertures sans fenêtres et sans portes, blotti au milieu d'une cocoteraie, traversé par une pseudo route en terre battue qui menait d'un côté vers Papeete, à 80 kilomètres de là, et de l'autre nulle part. Et des fleurs, des fleurs partout qui poussaient comme des mauvaises herbes, dont l'ibiscus et le tiaré dont les tahitiennes se paraient l'oreille, à droite ou à gauche, selon qu'elles étaient abordables ou non. Les requins du lagon, le "maout", la chefferie, le "chinois", les tikis...... !
Maéva vivait là. A peu près au milieu du village, sur la seule route, se dressait le magasin du "chinois". Seul commerce du lieu, on y vendait de tout, du tissu, du coca, des clous aux éventails... Elle habitait un "faré" juste en face, avec sa maman, une forte "vahiné" assortie d'un "tané" petit et malingre, avec quatre ou cinq frères et soeurs.
Je l'avais souvent croisée sur le chemin, appuyée d'une épaule à un cocotier, la main sur la hanche, et me gratifiant d'un "ia ora na" avec un sourire mi-intéressé mi-moqueur. Durant les deux ou trois premières semaines nous n'avons échangé que quelques mots.
Jusqu'au jour où, conjointement, la marine et le village de Vaïrao (ce qui signifie : "et maintenant restes-là !") organisèrent un "tamaara", sorte de fête, qui marquait la bienvenue du Foch et de ses marins, et la bonne entente entre les autochtones et eux.
Maéva s'y était naturellement rendue, ainsi que tous les habitants. Des stands de jeux, type kermesse, des buffets étaient dressés dans la cocoteraie, et, mélangés, métropolitains et polynésiens se divertissaient, discutaient, se servaient à manger et à boire, accompagnés de musique folklorique tahitienne et de danses locales de groupes en costumes traditionnels.
Je la vis soudain arriver directement vers moi. Bien qu'entouré d'un groupe d'amis, je n'avais plus d'yeux que pour elle. Son "ia ora na" avait un ton bien différent, et fut simplement suivi d'un "viens !", souligné par un regard inexprimable et pourtant si chargé de sens.
Elle me prit la main et m'entraîna vers la plage de sable gris qui longeait le village, au bord du lagon à l'eau si claire qu'on y voyait nager les poissons.
Nous avons marché ainsi durant un long moment, sans presque se regarder, main dans la main, sous le soleil du Pacifique.
Puis elle eut un rire soudain, et se mit à courir vers l'océan, tout en enlevant prestement son "paréo" pour y arriver nue et y plonger, soulevant une gerbe d'écume. Je devais avoir l'air bien bête sur le rivage car en réapparaissant elle eut un nouveau rire, et me tendit les deux mains pour m'inviter à la rejoindre.
Hésitant quelques secondes, j'enlevais mes vêtements et courut vers elle. Nous avons nagé et joué dans l'océan, avant de se retrouver face à face, corps contre corps, les yeux dans les yeux, et que n'arrive le premier baiser, un baiser long et fougueux et, ô combien, doux et salé !
Puis nous avons fait l'amour sur le sable, comme cela, sans raison, comme peuvent se donner deux corps jeunes et souples, sans penser à rien d'autre qu'au plaisir réciproque procuré à l'autre, et persuadés que la félicité et l'éternité nous étaient acquises, et dureraient toujours pour nous.
J'avais 19 ans, Maéva en avait 17 ! Merveilleuse spontanéité, suave douceur des filles des îles...
A chacun de mes séjours à Vaïrao, Maéva fut toujours là pour moi, et nous avons partagé des heures de bonheur.
Le souvenir en reste vivace.
1966 - Tahiti
Publié le 21/05/2008 à 12:00 par geneapope
Les complies.
Nous ne rentrions que tous les quinze jours chez nos parents (lorsque nous n'étions pas privés de sortie !).
Quand nous passions le week-end à la maison, nous devions normalement réintégrer le Collège vers 17 heures 30, car il y avait obligation d'assister à cette prière du soir commune appelée complies.
C'était beau, et j'aimais y assister.
Tour à tour, la chorale, dont je faisais partie, scandait phrase après phrase la litanie qui composait cette prière, suivis pas l'assistance. Cela durait environ une demi-heure.
C'était évidemment en latin, et tout le monde connaissait la litanie par coeur.
Après l'introduction de l'harmonium, nous attendions avec impatience la première phrase, toujours chantée par la voix chevrotante du Père Pinsseau, que nous surnommions entre nous "badigeon".
Quand elle arrivait, je jubilais !
"Jube Domne benedicere."
Et l'assistance répondait :
"Noctem quietam et finem perfectum concedat nobis dominus omnipotens..."
Et c'était parti ! Les phrases musicales se succédaient, les unes après les autres, sur un rythme rapide et enlevé, accompagnées par l'harmonium, jusqu'à la bénédiction finale du Père Supérieur.
C'était bien !
Puis, dîner, étude, et montée au dortoirk pour attendre le lendemain et entamer une nouvelle semaine.
Quel bon souvenir que la célébration des complies !
Publié le 21/05/2008 à 12:00 par geneapope
Le départ de Papa - Un souvenir douloureux.
Cette année-là, comme toutes les autres, nous étions en Vendée pour l'été. De la 3ème semaine de juin, jusqu'à la 2ème de septembre, nous séjournions aux "Petites Mouettes", une maison devant la mer que mes parents ont louée chaque année, durant des décennies, à Sion-sur-l'Océan, toute petite bourgade logée sur la côté, entre Saint-Jean-de-Monts et Croix-de-Vie/Saint-Gilles. Mon père, ma mère et ma tante Maguy nous y rejoignaient au mois d'août, et, le reste du temps, ma grand'mère maternelle s'occupait de nous quatre, c'est-à-dire mes deux soeurs, moi-même, et Dominique, un ami d'enfance que nous y emmenions.
C'était vers la mi-août. Je devais avoir onze ou douze ans (1957 ou 1958). Maman nous avait prévenu "que Papa ne resterait pas durant tout le mois avec nous". L'ambiance fut triste, et les visages sérieux durant ces quelques jours, chez les adultes. Nous, les enfants, nous sentions bien qu'il s'agissait de quelque chose d'important, de grave. Personne ne songeait à rire et s'amuser comme c'était habituellement le cas lorsque nous étions à Sion.
Un soir, Maman nous annonça : "Papa part demain pour l'Algérie !".
Bien sûr, je savais qu'il y avait une guerre là-bas et, malgré ma jeunesse, je me représentais néanmoins ce que cela signifiait. Fier d'un côté que mon Papa participe à un évènement de l'histoire, j'avais peur aussi de ce qui pourrait lui arriver.
C'était comme s'il devenait une sorte d'incarnation des personnages qui m'enthousiasmaient dans les "BD" que je lisais à l'époque : Buck John, Buffalo Bill, Buck Dany et autres... mais je savais que la réalité ne ressemblait pas souvent à ce que je trouvais dans les livres. J'étais horrifié à l'idée qu'il était possible que je ne le revoie plus jamais. Je ressentais ces choses pour la première fois de manière fulgurante.
C'était son premier "séjour" en Algérie. Il en fit d'autres, durant tout le conflit, et nous quittait ainsi pendant des mois. Durant de trop longues périodes, nous n'avions pas de nouvelles de lui, et savions seulement qu'il était vivant, tant que l'on ne nous annonçait pas le contraire.
Il ne faut pas oublier que les postes de télévision étaient rares à cette époque, et que c'était surtout la radio qui nous indiquait les évènements qui se déroulaient "là-bas".
Lorsque ses lettres arrivaient, c'était une explosion de joie à la maison, et ma mère nous lisait ce qui nous concernait, quelques phrases, quelques lignes, nous demandant d'être sages, et qui se terminaient invariablement par : "votre Papa qui vous aime."
Au cours de ses séjours en Algérie, mon père a parcouru tout le pays, de Constantine à Biskra, de Bône à Alger, de Philippeville à Oran...
Ce n'était pas en touriste, bien sûr, et le risque de se faire tuer était sans cesse présent, latent, dans toutes les opérations militaires et de maintien de l'ordre, et même lors des temps de repos. Fort heureusement, il s'en tira sans dommage.
Mais ce jour-là, à Sion, nous ne savions pas encore tout cela. Il est parti dans l'après-midi. Nous étions sur la grande plage, et Papa et Maman ramassèrent leurs affaires. Il était l'heure de partir, de prendre le train pour rejoindre sa garnison avant le grand départ, traverser la mer et suivre son destin.
Papa nous embrassa, nous disant simplement : "Soyez sages, les enfants, je reviendrai bientôt !".
Que de chagrin, de tristesse dans sa voix, qu'il tentait de dissimuler, de ne pas laisser poindre. Maman, blême, ne disait rien. Ils s'éloignèrent tous deux.
Ma mère resta muette et pâle, lorsqu'elle rentra de la gare, et l'effet persista plusieurs jours.
Moi, je suis parti errer dans les landes et les dunes durant deux ou trois heures. J'y ai crié et pleuré pour tenter d'évacuer un peu l'immense peine qui avait envahi tout mon coeur, et d'éradiquer la crainte d'une disparition possible.
Fort heureusement, je revis mon Papa !
Photo : départ pour l'Algérie, sur le bateau.
Publié le 21/05/2008 à 12:00 par geneapope
La messe de onze heures - Souvenirs d'enfance.
Orléans.
Nous n'allions pas à la messe de onze heures ! Mes parents, surtout mon père, considéraient que ceux qui y participaient avaient pour but de se "montrer" et d'étrenner les chapeaux et de colporter les cancans du jour.
Celle de dix heures nous convenait parfaitement. Notre paroisse était Saint-Paterne, presque sur les lieux de l'ancien Saint-Pouair du temps de Jehanne d'Arc. Une grande église, presque une cathédrale, avec son autel monumental et sa chaire de bois sculpté, de toute beauté.
Le sanctuaire s'élève toujours sur la place, au bout du faubourg Bannier et à l'entrée de la rue du même nom, non loin de l'endroit où se dressait la porte du même nom en 1429. A l'époque de mon enfance, le commissariat central de police se trouvait juste en face, sur l'endroit où l'on a depuis édifié la belle Médiathèque d'Orléans.
C'était à dix heures qu'il y avait le plus de monde. L'église était bondée. Nous nous mettions quasiment toujours sur le côté gauche, non loin de la chaire du haut de laquelle Monsieur le Curé déclamait ses sermons solennels.
Les officiants arrivaient, du fond de l'église, précédés des enfants de choeur en aube rouge et surplis blanc. Le curé, personnage important, présidait, entouré de ses vicaires dans leurs stalles.
"Introïbo ad altare Dei...", et la foule répondait : "ad Deum qui laetificat juventutem meam...". Toute la cérémonie et la majorité des chants étaient en latin, et nous savions tout par coeur. Que le culte en latin était beau ! Le rite se déroulait, émaillé de chants et de prières, jusqu'à la communion.
Nous répondions et chantions avec ferveur jusqu'à "l'ite missa est" que l'officiant jetait à tous, les bras ouverts, et nous sortions de l'église suivis par la musique Grégorienne que diffusait à tout-va le grand orgue qui trônait majestueusement sur son grand balcon, au fond de l'église, face à l'autel.
Nous nous sentions régénérés et forts, et sans doute l'étions-nous !
Venaient ensuite les congratulations habituelles entre nos parents et leurs amis et connaissances sur le parvis. Puis, à pied, nous rentrions à la maison, rue Pasteur, à cinq ou six cent mètres de là, en empruntant le faubourg Bannier.
A mi-distance, ma mère entrait "chez Panier" - ainsi se nommait le boulanger habituel de la famille - où il sentait si bon, pour y acheter les pains et les brioches du dimanche.
Ma grand-mère, que mes soeurs et moi appelions "mémère", restée à la maison, avait cuit le rôti de boeuf et préparé les frites, qui seraient suivis par son admirable tarte aux pommes.
Repas du dimanche, repas de fête !
Mais, auparavant, il nous fallait retirer nos "habits du dimanche" que ma mère rangeait pour le reste de la semaine.
Une fois à table, c'était mon père qui coupait le pain, sans oublier au préalable d'y tracer en-dessous, rapidement, une croix avec son couteau.
Après le repas, mon père sortait l'auto, et nous partions pour une balade en Sologne.
Que de suaves dimanches avons-nous ainsi passé !
Publié le 21/05/2008 à 12:00 par geneapope
Poses ton sac ! - Souvenir de jeunesse.
Descriptif : Une anecdote, de l'année 1965, où, jeune marin, je venais en permission chez mes parents, avec l'un de mes cousins qui m'était proche. Nous étions jeunes, nous "en voulions", et passablement bagarreurs !
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Marc, l'un de mes cousins, fut très proche de moi durant mes années de jeunesse, avant que nous nous perdions un peu de vue. N'ayant pas eu de frère, et comme il n'a que deux ans de plus que moi, je le considérais comme mon aîné. Que de rigolades, de parties folles, de discussions à bâtons rompus avons-nous eues en commun !
Il s'engagea dans les parachutistes d'infanterie de marine, un an avant mon départ pour la Marine nationale, et fut longtemps affecté au Sénégal, près de Dakar, où je lui rendis visite une fois, lors d'une escale du porte-avions FOCH sur lequel je me trouvais.
Ce devait être en 1966.
Lors de nos permissions à Orléans, quand nous nous y trouvions en même temps, nous sortions ensemble, souvent accompagnés de "son pote Bébert", un autre parachutiste colonial du même régiment que lui.
Nous faisions "tache" à Orléans ! En effet, nous revêtions bien sûr nos uniformes, et deux parachutistes "bérets rouges" accompagné d'un "mataf" ne passait pas inaperçu. Et de plus, nous nous arrangions bien pour cela !
Cela nous procurait souvent des problèmes avec les militaires "locaux" qui étaient jaloux de notre "aura" de "vrais militaires" (pensaient-ils !), de baroudeurs, de navigateurs, et qui voulaient se rendre compte si vraiment nous n'avions peur de rien.
Nous ne refusions pas le contact, et aimions bien nous "chicorer" avec "ces petits branleurs" du 2ème Hussards ou ceux de Bricy, le camp d'aviation d'Orléans.
Nous prenions aussi des coups, comme une fois, lors d'une fête foraine sur les mails, à Orléans, où une dizaine de "gonfleurs d'hélices" s'amusaient dans les autos-skooters à nous rentrer dedans assez violemment, Marco, Bébert et moi.
Sur un signe de Marco, nous avons chacun bondit de nos véhicules, créant ainsi l'effet de surprise, et nous leur avons volé dans les plumes ! Une bagarre générale s'ensuivit, les civils présents prenant parti soit pour nous trois, soit pour les autres militaires.
Ce jour-là, j'ai pris un fameux coup sur le nez et, m'étant un peu éloigné pour me passer de l'eau sur le visage, près de la caravane d'un forain, Marco revint me chercher, me disant : "Vite ! Amènes-toi... c'est pas fini !".
Nous avons réussi à nous échapper avant l'arrivée de la police militaire, laissant aux autres le soin d'expliquer la casse, et nous avons fait la tournée des bistrots, éclusant bière sur bière pour nous réconforter.
Bien évidemment, on se faisait "engueuler" par nos parents respectifs, mais nous n'en avions cure ! Mon père me conseillait de sortir en civil, mais nous étions bien trop fiers de nous "pavaner" en uniforme tous les trois. Ce fût sûrement à cause de mon uniforme et de ma "superbe" qu'il m'arriva un jour un incident que je n'avais, cette fois, pas cherché.
J'arrivais à Orléans en permission. Débarqué du train, j'attendais le bus, sur la place devant la gare. Ma valise de métal bleu, réglementaire, posée à terre, je me tenais à côté, mon gros sac de toile de mataf posé sur mon épaule. Un type était passé plusieurs fois devant moi, allant et revenant, en me jetant un regard plus aggressif que curieux.
Au 4ème ou 5ème passage, il s'arrêta, et me regarda fixement dans les yeux. Je soutins son regard, avec un petit sourire narquois au coin des lèvres, mais sans échanger un mot.
Puis il me dit : "poses ton sac !". Alors, je m'exécutais. Sans prévenir, il me décocha alors un des plus beaux "directs" que je n'ai jamais reçu de ma vie. Ping ! Plus de son... plus d'image... ! Le temps que je me ressaissise, il était déjà parti !
L'oeil commençant à bleuir, le nez meurtri et saignant, et tout le visage endolori, j'arrivais peu après chez mes parents, qui ne voulurent pas accepter ma version de l'histoire, et me gratifièrent d'un : "à peine arrivé, tu cherches déjà la bagarre !".
Cette histoire ne ressemble-t-elle pas à celle de l'arroseur-arrosé ?
Publié le 21/05/2008 à 12:00 par geneapope
Joseph, un "personnage" bien singulier ! - Souvenir d'internat.
Descriptif : Un "personnage" bien singulier eut son heure de gloire à l'Institution où nous étions internes. Très singulier, en effet, et qui en tous cas ne brillait pas par sa conversation ! Nous le nommions Joseph. C'était un squelette...!
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Un "personnage" bien singulier eut son heure de gloire à l'Institution où nous étions internes.
Très singulier, en effet, et qui en tous cas ne brillait pas par sa conversation !
Nous le nommions Joseph. C'était un squelette...! Un squelette humain qui était utilisé pour les cours de sciences naturelles. Le bruit courait qu'il avait appartenu à un soldat allemand, tué durant la guerre 14/18. Nous ne savions pas si c'était la vérité, mais tout le monde le croyait chez les élèves.
Son crâne était assorti d'un anneau, ce qui permettait de le suspendre à un piton. Il était habituellement remisé dans un petit local, d'où on le sortait à l'occasion quand le besoin s'en faisait sentir pour les cours.
J'étais alors chez "les grands", et nous avons eu une idée folle que nous mîmes au point. Nous avions projeté de faire une blague à notre "pion", qui était un peu notre souffre-douleur, mais que, somme toute, nous aimions bien. Il était sensible et impressionnable, et l'idée suivante avait alors germé dans nos esprits :
Dérober Joseph, et l'étendre sur le lit du "pion" !
Notre surveillant arpentait le dortoir durant le temps qu'il fallait pour que tout se calme, avant d'éteindre et de regagner sa chambre, contigüe au dortoir.
Nous avions harangué les plus jeunes pour que les bavardages se poursuivent un peu plus, pour nous laisser le temps d'exécuter notre projet. Ce qui se fit !
Trois garçons, dont j'étais (je participais à tous les "coups" !) s'échappèrent très discrètement du petit dortoir pour aller quérir Joseph. Il fallait faire vite et ne pas se laisser voir.
Joseph fut transporté dans la chambre du surveillant, et étendu sur son lit. Diaboliquement, nous avons disposé un drap sur lui, après avoir disposé dans le crâne une lampe électrique de poche, allumée, dont le rayon éclairait le reste du "corps".
Sous le drap, dans la pénombre, il y avait de quoi sursauter, je vous le promet ! C'était vraiment impressionnant.
Le calme revint petit-à-petit dans le dortoir. Nous avions prestement regagné nos lits. Le "pion", après un dernier tour, se dirige tranquillement vers sa chambre...
Il ouvre sa porte, et avant d'avoir pu allumer la lumière, se trouve brusquement confronté à "l'apparition" !
Un cri... suivi de tremblements, autant provoqués par la colère que par la peur intense qu'il avait dû lui traverser le corps. Il lui fallut au moins une minute pour se calmer et reprendre ses esprits. Puis, réaction : "B..., M..., Bernard, debout ! (il savait qu'à 95% nous étions tous les trois dans le coup... et il avait raison !).
Nous dûmes rester à genoux devant notre lit, et durant plus d'une heure, sans compter deux suppressions de sortie infligées par le Père Supérieur.
Nous l'avions bien mérité. Mais nous avions bien ri et amusé tous les internes. Et les Pères ....?
Quelques jours plus tard, nous avons demandé pardon à notre surveillant.
Photo : la salle d'études de l'Institution.
Publié le 21/05/2008 à 12:00 par geneapope
Le collège brûle ! - Souvenir d'internat.
C'était, je crois, en 1963.
Nous étions en récréation sur "les cours du haut" lorsque quelqu'un (je ne me souviens plus qui !) arrive tout excité nous annoncer qu'il y avait le feu au dortoir !
L'un des Pères les plus jeunes, qui était avec nous, descendit en hâte, suivi, malgré les injonctions des "pions", par une grande quantité d'élèves qui s'y trouvaient à ce moment-là.
Les pompiers étaient déjà là et éteignaient le feu qui avait pris dans une ou deux armoires en bois blanc où nous rangions nos affaires personnelles (vêtements, etc) et qui s'était répandu sur quelques autres. Petit incendie, pas très grave, car pris à son début, mais bizarre aux yeux du Père Supérieur et des pompiers, qui se demandaient comment le feu avait pu prendre ainsi dans ces armoires.
J'imagine qu'on en a cherché la cause, mais sans découvrir l'origine de ce sinistre.
Quelques affaires d'élèves brûlées, déclaration d'assurance, nouvelles armoires après nettoyage de l'endroit... On oublia vite l'évènement, du moins parmi les élèves.
Une dizaine de jours plus tard, un élève arrive tout essoufflé sur les cours du haut et se précipite sur le "pion" : "chef, chef, le dortoir brûle... il y a plein de fumée...!"
Le surveillant lui répond qu'une fois suffit, et qu'il ne faut pas plaisanter avec ce genre de choses. L'élève insiste, dit qu'il ne ment pas, avec une telle sincérité que le surveillant détale, suivi d'une nuée d'élèves, vers la première cours du haut par laquelle on accédait à ce dortoir.
C'était vrai ! Et comment ! Le dortoir cette fois était ravagé par les flammes d'un incendie qui faisait rage. Les pompiers arrivent de nouveau, ainsi que les Pères et le Supérieur, rongés par l'inquiétude.
C'était fort heureusement en début d'après-midi, et personne ne se trouvait à l'intérieur, mais pour plus de sûreté, on fit l'appel pour se rendre certain que personne ne manquait.
Cette fois, le feu avait pris sur un nombre plus important d'armoires, et sur plusieurs lits. Les pompiers réussirent à éteindre l'incendie avant qu'il ne dévore la charpente, mais les dégâts étaient considérables, et beaucoup d'internes se retrouvaient sans affaires personnelles, sans nécessaire de toilette et sans vêtements.
Le dortoir était en grande partie inhabitable. Après, il fallut trier, jeter, nettoyer et tout enlever pour que le dortoir puisse être refait.
De plus, les policiers ouvrirent une enquête, et nous fûmes tous interrogés pour savoir où nous nous trouvions à ce moment-là, et si nous savions quelque chose, et il fallait alors le leur dire.
On finit par trouver le coupable ! Je tairai bien sûr son nom ici. Bien qu'il habitât un village non loin de Gien, ses parents, commerçants en ce lieu, l'avaient mis en internat, contre son gré, et il n'acceptait pas ce fait.
Il avait lu sur un journal qu'on avait renvoyé chez eux les élèves d'un autre pensionnat qui avait brûlé, et l'idée lui était venue de mettre le feu à notre Institution.
Le premier incendie n'ayant pas suffit, il eut l'audace de réitérer quelques jours plus tard, prenant bien soin cette fois de provoquer plusieurs foyers d'incendie.
Il n'a pas tenu longtemps aux interrogatoires de la police, et a été congédié sur le champ, sans compter les suites de l'affaire, pour lui, et surtout pour ses parents... et le collège !
J'imagine quand même la "galère" qu'il dut subir !
L'Institution ne ferma cependant pas. Des parents d'externes se proposèrent de loger les internes chez eux, durant les travaux, et c'est ainsi que je me retrouvai "externe" durant plus d'un mois à Gien.
Je le raconterai par la suite.
Publié le 13/05/2008 à 12:00 par geneapope
Les Lucky Strike - Souvenirs d'adolescence
Après la guerre 39-45, les armées des U.S.A. stationnèrent longtemps en France, jusqu'à la fin des années 60.
Dans la région d'Orléans, se trouvaient plusieurs établissements : Harbor Barak en Sologne, un hôpital à La Chapelle-St.-Mesmin (banlieue d'Orléans), un centre de matériel dans la forêts d'Orléans, et l'"Headquarters" logé dans les anciennes casernes du 131ème R.I., dans le faubourg Bannier, à deux pas de chez mes parents.
Cela représentait plusieurs milliers de "G.I.'s", dont beaucoup avec leur famille, qui résidaient à Orléans et dans les environs. Ils vivaient parmi nous, et j'ai fréquenté plusieurs années quelques jeunes américains, et surtout un certain Eddy, du même âge que moi, au Collège Sainte-Croix, et ma soeur est sortie quelques temps avec un nommé John, tout jeune soldat.
Il s'était créé en aval un nombre important d'emplois civils pour les français. Le père de l'un de mes amis d'enfance a travaillé longtemps "aux Américains", et il avait procuré un emploi à l'un de mes oncles qui y resta jusqu'à leur départ de France.
Tout ce qui était "américain" suscitait chez moi admiration et curiosité. Avec cet ami, qui lui aussi partageait ces sentiments, nous traînions souvent aux alentours de la caserne.
A l'entrée, il y avait une petite baraque, toujours fraîchement repeinte en blanc, aménagée en poste de garde. Un "M.P." (military police : prononcez M.Pi) se trouvait dedans, et un deuxième était en faction dehors, contrôlant et surveillant les entrées et sorties des véhicules et des piétons.
Ces soldats grands et athlétiques nous impressionnaient par leur prestance, dans leur uniforme toujours impeccable, leurs "rangers" noires à plusieurs rangées de lacets, et leur casque blanc sur lequel se détachaient les deux lettres "M.P."
Mais quelque chose nous intéressait encore plus !
Des militaires entraient et sortaient en permanence, mais nous avons pris l'habitude d'y aller vers 17 heures 30, heure à laquelle beaucoup rentraient chez eux. Nous accostions les militaires pour leur demander des Lucky. Il nous en donnaient souvent deux ou trois et, parfois, nous avions la chance d'en obtenir un paquet complet ou presque.
Dans ce but, nous avions appris quelques phrases en anglais; cela les faisait sourire et ils se montraient ainsi plus généreux.
Nous avions 12 ou 13 ans, et quel plaisir ensuite de fumer nos Luckies fièrement devant les copains admiratifs et jaloux !
Les Lucky Strike étaient les cigarettes que les soldats américains touchaient chaque mois. Leur diffusion n'était pas encore organisée dans les bureaux de tabac français.
Je me souviens de la "réclame" (on ne disait pas encore "publicité") qui en sera faite : un panneau où un homme (en costume) et une femme (juge en-dessous du genou et talons aiguilles) se faisaient face, tenant chacun l'une de ces cigarettes à la main. Entre les deux, un peu plus bas, le texte suivant, en forme de jeu de mots : "Be happy ! Go Lucky !".
En-dessous, centré, un autre adage : "Luckies taste better than any other cigarette", avec sur le côté un "G.I." en buste tenant un paquet de Luckies, caractérisé par un cercle doré entourant un gros rond rouge, avec les mots Lucky Strike.
Ces cigarettes de tabac blond, sans filtre, avaient pour nous un goût "extra", et les fumer représentait le maximum de "la classe" !
Ce sont les premières cigarettes que nous avons fumées.
Nous en avons grapillé souvent, et les soldats américains ne rechignaient pas à nous en donner. Je me souviens de leur sourire lorsqu'on leur témoignait notre reconnaissance avec un "thank you" bien appliqué.
Les militaires américains ne sont plus là, mais le goût des "Luckies" reste toujours présent à ma mémoire.