(photographie tirée du site : www.tourisme-alsace.com/)
Nous découvrons le classique tableau des quatre tours des Ponts-Couverts. Au pied des tours centrales se devinent les bastions qui abritaient les batteries de canons. Le visage même de ces tours a bien changé. A l'origine elles ne portaient pas de toit, mais se terminaient en plate-forme dont les rambardes étaient crénelées, comptant quatre merlons sur chaque face. Elles seront progressivement transformées en prison et le resteront jusqu'à la construction en 1823 de la maison de force de la rue du Fil qui vient d'être rasée en 1992-1993.
Si on parle de "Ponts-Couverts", c'est que les ponts entre nos trois tours étaient effectivement couverts par de lourdes toitures. Dans la chronique de Bühler, nous lisons : "
En l'année 1468, on commença et on acheva la construction des ponts près des tours qu'on nomme aujourd'hui les Ponts-Couverts.
Sur la gauche une quatrième tour a disparu au milieu du XVIe siècle, c'était la tour du Diable. Les soubassements furent réutilisés, on enterra là des canons qui pouvaient prendre sous leur feu les barques à l'entrée de la ville. Des travaux de défense furent encore entrepris en 1567 sous la conduite de l'illustre architecte militaire Daniel Specklin. On était alors dans l'angoisse, le roi de France Henri II risquait de mettre le siège à la ville.
La dernière tour à gauche a plutôt mauvaise réputation. Surnommée la tour du Bourreau, le
Henckerturm, elle gardait l'accès à la rue de la Fontaine devenue depuis la rue Seyboth. Elle était aussi surnommée
Bickergasse, un terme encore utilisé en Allemagne pour désigner le dieu guerrier Wotan. Avait-on voulu donner au bourreau un surnom si terrifiant ? L'exécuteur des hautes oeuvres avait sa demeure dans cette rue connue pour être mal fâmée. On la surnomma d'ailleurs au XVIIIe siècle rue du Bourreau, puis rue du Glaive, avant de la baptiser rue Ca ira, rue des Pénitents, etc.
Quant à la tour, on parle dès 1286 du
Henckers Turm, puis du
Stockhus du nom d'un instrument de torture souvent utilisé. C'est un appareil en bois, sorte d'étau, dans lequel on serrait les pieds des condamnés. Puis on parlera de la tour des Chaînes pour rappeler les malheureux jetés aux fers, la tour des Galériens qui était un rappel de ceux qui attendaient ici avant d'être envoyés aux galères du roi pour y ramer. Ce n'est que depuis 1834 que la tour a perdu ses pensionnaires.
La prévarication existait malheureusement tout autant hier qu'aujourd'hui. Mais, hier, les punitions étaient à la hauteur de l'injustice ! Ainsi en 1565, l'exécuteur des hautes oeuvres de la ville de Strasbourg, Sébastien ROSENKRANTZ, originaire de Soleure, fut exécuté pour avoir abrité dans sa maison une bande de fieffés coquins auxquels il indiquait les mauvais coups à faire.
Sa concubine, au courant du manège, fut fouettée en public et expulsée de la ville avec interdiction d'y remettre les pieds. Force est d'ailleurs d'avouer que les exécutions capitales étaient nombreuses en ces temps-là. En 1613, il y eut 16 exécutions, tant par pendaison que par décollation après l'usage courant de la torture.
Un petit document du XVIIe siècle nous livre un catalogue de ces tortures pratiquées par le bourreau :
"Son office est de pilorier les criminels et malfaiteurs, les mettre au carquan, les fustiger ou rafreschir les épaules avec un éventail de bouleau, les fleurdeliser, essoreiller, les gesner ou torturer, ou leur donner la geine, la torture ou la question, les pendre haut et court, les brancher, les noyer sur un noyer, les faire danser sous la corde, leur donner le moine par le col, les faire regarder par une fenestre de corde, les estrangler, qui est la sauce : leur trancher la teste, les décapiter, décoller, ou faire cardinaux en Grève, accourcir d'un demi-pied : rouër, tenailler, trainer sur une claye, escarteler, tirer à quatre chevaux, couper le poing, brusler, brusler vif, brusler à petit feu, enfumer, exposer aux bestes, estrapader ou leur donner l'estrapade, les empaler, griller ou rostir sur un gril comme fut Sainct-Laurent, escorcher vif, comme Sainct-Barthélémi, lapider comme Sainct-Etienne, crucifier..." Un terrifiant programme qui fait froid dans le dos et malgré cela les crimes et délits ne connurent pas de répit !
(extrait de "
Les petits secrets du vieux Strasbourg", de Guy Trendel et Robert Warter, ed. Coprur)