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geneapope
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Histoire générale et locale, anecdotes, poèmes, recettes de cuisine... et divers.
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Jeanne d'ARC - Examen d'une question de lieu.

Jeanne d'ARC - Examen d'une question de lieu.

Publié le 09/10/2010 à 19:09 par geneapope

Les historiens de Jeanne d'Arc ont confondu, sous le nom de Saint-Nicolas, deux localités différentes. A laquelle des deux doit-il appartenir ? Il importe avant tout de les faire connaître :

 

Saint-Nicolas-du-Port, à deux lieues de Nancy, treize de Vaucouleurs, où se trouvait Jeanne d'Arc;

Saint-Nicolas-de-Septfonds, situé dans la vallée de ce nom, à une lieue de Vaucouleurs.

M. Berriat Saint-Prix (1) et M. Quicherat (2), ce dernier particulièrement, dont l'autorité est si grande en tout ce qui concerne Jeanne d'Arc, adoptant la version accréditée, longtemps avant eux, par les historiens de la Lorraine, ont rapporté à Saint-Nicolas-du-Port un voyage ou pèlerinage de Jeanne d'Arc.

M. Lebrun des Charmettes et M. l'abbé Barthélémy de Beauregard, l'un et l'autre auteurs d'une histoire de Jeanne d'Arc, publiées, la première en 1817, et la seconde en 1847, ont rapporté à Saint-Nicolas-de-Septfonds (3) ce même voyage que MM. Berriat Saint-Prix et Quicherat supposent avoir été fait à Saint-Nicolas-du-Port. Je m'étais rattaché d'abord à l'opinion de ces derniers (4), la version de MM. Lebrun des Charmettes et Barthélémy ne m'ayant pas paru établie que sur de simples conjonctures. Il est à remarquer, en effet, qu'ils ne s'appuyaient sur aucune preuve.

Désireux cependant d'éclaircir ce point, j'écrivis à M. le curé de Vaucouleurs, pour lui demander s'il n'existerait pas, dans le pays, quelques traces ou souvenirs d'un lieu qui aurait porté le nom de Saint-Nicolas.

Or, il suit de la réponse qui m'a été faite (5) qu'un monastère ou moutier, pour me servir ici de la désignation employée par M. l'abbé Barthélémy, aurait existé, en effet, dans la vallée de Septfonds, à quatre kilomètres de Vaucouleurs environ, monastère aujourd'hui détruit, mais dont le souvenir a été parfaitement conservé dans le pays. Suivant la même lettre, les ruines de ce monastère existaient encore en 1815. Des fouilles, entreprises à cette époque, avaient mis à découvert des cercueils et fait reconnaître ainsi l'existence d'un ancien cimetière. On sait enfin qu'il existait là une chapelle en grande vénération, sous l'invocation de saint Nicolas. Ce nom reste même encore attaché à une fontaine située à proximité.

"J'ai vu, dit M. le curé de Vaucouleurs, la fontaine qui porte encore aujourd'hui le nom de Saint-Nicolas. J'ai vu et touché, ajoute-t-il, un Christ en bois, de grandeur naturelle, un peu mutilé, mais bien conservé dans son ensemble, et dont la tête est d'une beauté remarquable. C'était le Christ de la chapelle."

Il est donc établi, par l'existence irrécusable d'un cimetière, par le nom conservé à la fontaine et par une constante tradition, qu'il existait là un monastère ou moutier du nom de Saint-Nicolas.

Cela posé, quel parti prendre entre MM. Berriat Saint-Prix et Quicherat d'une part, et MM. Lebrun des Charmettes et Barthélémy de l'autre ?

 

Notre premier soin doit être ici de revoir avec attention tout ce qui est relatif à ce mot de Saint-Nicolas dans les documents originaux qui nous restent de Jeanne d'Arc.

Nous n'avons, sur ce point, d'autres éléments de discussion que les déclarations de trois des témoins entendus dans le procès de révision.

Ces témoins sont la femme Henri, Durand Laxart et Bertrand de Poulangy. Voyons d'abord dans quels rapports de position ils étaient avec Jeanne d'Arc.

Le premier de ces témoins, la femme Henri, était l'hôtesse de Jeanne à Vaucouleurs. On lit dans sa déposition que celle-ci lui avait été amenée par son oncle Durand Laxart, qu'elle a passé chez elle environ trois semaines, à différents intervalles de temps, per intervallum temporis, et qu'elle y était venue pour déterminer le sire de Baudricourt à la faire conduire au Dauphin.

Durand Laxart était un oncle maternel de Jeanne. Il habitait le Petit-Burey, village situé sur la route de Domrémy à Vaucouleurs. Jeanne, qui était venue à bout de l'intéresser à tous ses projets, fit avec lui tous ses premiers voyages. Il s'était entendu avec elle pour obtenir de ses parents la permission de l'amener au Petit-Burey, où elle passa six semaines environ, dans lesquelles il faut confondre, probablement, les trois qu'elle aurait passées chez la femme Henri, Jeanne n'étant pas chez celle-ci à demeure fixe, et n'y venant que de temps en temps, per intervallum temporis.

Bertrand de Poulangy se qualifie, dans sa déposition, d'écuyer de l'écuyerie du roi de France. Il était à Vaucouleurs en même temps que Jeanne d'Arc, et fut témoin de la première entrevue de celle-ci avec Robert de Baudricourt. Il fut encore un de ceux qui l'accompagnèrent dans le voyage de Vaucouleurs à Chinon.

Les dépositions de la femme Henri et de Bertrand de Poulangy sont les seules où nous rencontrions le mot de Saint-Nicolas; mais ce mot paraissant impliqué, suivant M. Quicherat, dans la déposition de Durand Laxart, il importe de la citer aussi.

Voici les passages de ces dépositions qui rentrent spécialement dans l'objet de notre discussion :

 

1° La femme Henri :

"Dixit etiam ipsa testis quod ipsa Johanna bene desiderabat, et erat tempus grave ac si esset mulier proegnans, eo quod non ducebatur ad Delphinum; et post hoec, ipsa testis et multi alii verbis crediderunt, ita quod quidam Jacobus Alain et Durandus Laxart voluerunt eam ducere et duxerunt eam usque ad Sanctum Nicolaum, sed reversi fuerunt ad dictum Vallis colorem, quia audivit quod ipsa Johanna dixit quod non erat sibi honestum taliter recedere; et dum reversi fuerunt, aliqui habitatores dictae villae fecerunt sibi fieri tunicam, caligas, ocreas, calcaria, ensem et similia, et habitatores emerunt sibi unum equum, et Jehannes de Metis, Bertrandus de Poulangeyo, Coletus de Vienna, cum tribus aliis, duxerunt eam ad locum ubi erat Delphinus, prout vidit ipsos ascendere equos, pro eundo."

 

2° Durand Laxart :

"Et quando dicta Puella vidit quod ipse Robertus eam ad locum ubi erat Delphinus duci facere non volebat, ipsa recepit vestes ipsius testis, et dixit quod volebat recedere; et dum recederet, idem testis adduxit ad Vallis colorem; et postquam ipsa fuit, ex salvo conductu ad Dominum Karolum, ducem Lotharingiae; et quando ipse dux eam vidit, sibi locutus fuit, ac idem Dominum Karolus quatuor Francos quod ipsa Johanna sibi testi monstravit, sibi dedit; et tunc ipsa Johanna ad Vallis colorem reversa, habitatores villae de Vallis colore emerunt sibi vestes hominis, calceamenta, ocreas et sibi necessaria, et ipse testis et Jacobus Alain de Vallis colore, emerunt sibi unum equum, pretio duodecim francorum de quibum suum proprium fecerunt debitum; attanem postmodum dominus Robertus de Baudricuria ipsum persolvere fecit. Et hoc facto; Johannes de Metis, Bretrandus de Poulangeyo, Coletus de Vienna et Ricardus, Sagittarius, cum duobus servitoribus corumdem Johannis de Metz et Bertrandi, ipsam Johannam duxerunt ad locum ubu erat Delphinus."

 

3° Bertrand de Poulangy :

"Et postea, versum initium quadragesima, ipsa Johanna rediit ad dictum locum Vallis coloris, quaerendo societam ad eundum versus Dominum Delphinum; et haec videns idem testis, ipse et Johannes de Metis proposuerunt insimul quod eam decerent ad Regem, tunc Delphinum; et postquam ipsa Johanna fuit in peregrinagio in Sancto Nicolao, et extitit versus Dominum ducem Lotharingiae, qui eam cum salvo conductu voluerat videre; quodque ipsa Johanna reversa apud dictum Vallis colorem, et domum habitationis Henrici Rotarii, dictae villae, ipse Bertrandus, testis loquens, et Johannes de Metis tantum fecerunt, cum adjutorio aliorum de Vallis colore, quod ipsa dimisit suas vestes mulieris, rubri coloris, et fecerunt sibi fieri tunicam et vestimenta hominis, etc..."

 

Ce qu'il y a de remarquable et ce qui frappe, avant tout, dans ces dépositions, c'est l'impatience de Jeanne et le désir ardent qu'elle avait d'être conduite au Dauphin, c'est leur ensemble et leur accord parfait dans les détails importants.

Voyons maintenant comment chacune d'elles, en particulier, peut être interprétée en elle-même et dans ses rapports avec les autres, au point de vue des deux opinions qui sont en présence. Reprenons, pour commencer, la déposition de la femme Henri.

 

Jeanne est impatiente de partir, et le temps lui dure comme à une femme enceinte. On finit par avoir confiance en elle; on croit à ses paroles, tellement que Durand Laxart et Jacques Alain consentent à la conduire et la conduisent en effet jusqu'à Saint-Nicolas. C'est ici que la difficulté commence. A quel Saint-Nicolas ?

Nous avons déjà fait connaître sur ce point l'opinion de MM. Lebrun des Charmettes et Barthélémy de Beauregard. Cette opinion semble d'autant plus fondée que Saint-Nicolas-de-Septfonds touche à Vaucouleurs, et ne s'éloigne pas de la direction qui pouvait conduire Jeanne au Dauphin; que celle-ci semble être partie à pied, mal préparée au long voyage qu'elle voulait entreprendre, et qu'elle n'aurait fait que céder ainsi à un premier mouvement suivi d'un prompt retour à d'autres dispositions. C'est, en effet, ce qui résulte de la déposition de la femme Henri, déposition suivant laquelle Jeanne serait revenue en disant qu'il n'était pas honnête à elle de partir ainsi, c'est-à-dire aussi mal préparée à son voyage; et ce qui vient encore à l'appui de cette explication, c'est que, d'après le même témoin, ceux qui croyaient aux paroles de Jeanne et lui témoignaient de la bonne volonté se mettent aussitôt, pour elle, en frais d'équipement.

Remarquons encore ici, relativement au mot de Saint-Nicolas, employé par la femme Henri sans autre désignation propre à le faire distinguer, que ce mot ne pouvait s'entendre que d'un lieu propre au pays, de celui que tout le monde y connaissait, car, autrement, si le voyage de Jeanne eût eu pour but un autre pays du même nom, la femme Henri aurait été tout naturellement conduite à en marquer la différence : elle ne l'a pas fait.

 

Durand Laxart est moins explicite; et le mot de Saint-Nicolas ne se trouve même pas exprimé dans sa déposition, bien que, d'après celle de la femme Henri dont nous venons d'avoir à nous occuper, il ait pris part, en personne, à la tentative avortée du premier départ de Jeanne.

Durand Laxart établit, comme les autres témoins, que Jeanne s'était rendue à Vaucouleurs pour décider Robert de Baudricourt à la faire conduire au Dauphin, et que, désespérée des refus de celui-ci, elle avait dit un jour qu'elle voulait partir, quod volebat recedere, c'est-à-dire pour aller trouver le Dauphin où il était (6).Jeanne dans son impatience, avait même pris les habits de son oncle, vestes ipsium testis. Elle s'en allait donc; et nous voyons, en effet, par la déposition de Durand Laxart, que cette résolution de Jeanne eut un commencement d'exécution. Ceci est d'ailleurs expressément confirmé par la déposition de la femme Henri, qui, complétant le récit de cet incident, fait aller Jeanne, en compagnie de Durand Laxart et de Jacques Alain, jusqu'à Saint-Nicolas; mais la suite devient obscure. Et dum recederet, continue Durand Laxart, idem testis eam adduxit ad Vallis colorem. "Faute de copie, dit à ce sujet M. Quicherat. Durand Laxart n'avait pas à conduire sa nièce à Vaucouleurs, puisqu'il y était. Lisez : eam adduxit ad Sanctum Nicolaum."

 

Cette rectification pourrait, en effet, sembler motivée au premier aperçu. Ce n'est pas, toutefois, chose légère que d'en venir à une altération du texte de dépositions recueillies judiciairement. M. Quicherat ne me paraît pas suffisamment fondé à dire ici que Jeanne était à Vaucouleurs. Elle n'y était, suivant la femme Henri, que par intervalle de temps; et c'est au Petit-Burey, chez son oncle, qu'elle avait sa résidence véritable, avouée et consentie par ses parents. Le but de ses voyages et des différents petits séjours qu'elle a pu faire à Vaucouleurs était d'y trouver le sire de Baudricourt, et de l'amener, par tous les moyens possibles, à entrer dans ses vues. On sait qu'elle a fait aussi plusieurs démarches infructueuses; et si nous comprenons bien la déposition de la femme Henri, Jeanne revenait chez son oncle, au Petit-Burey, dans l'intervalle de ces mêmes démarches.

Il est même de toute vraisemblance qu'elle ne pouvait être que là, lorsque, dans son impatience, elle se revêtit d'habits d'homme, empruntés à son oncle, avec l'intention de partir. Elle n'aurait pu le faire à Vaucouleurs, à moins que son oncle ne s'y trouvât pourvu de vêtements de toutes sortes et en nombre suffisant pour l'habiller, sans se dépouiller lui-même, ce qui n'est pas probable. On n'entreprend pas non plus un voyage de cent cinquante lieues sans avoir à se munir de choses qu'on ne trouve que chez soi.

Jeanne devait donc être au Petit-Burey, quand elle vint à bout de décider son oncle à la conduire lui-même; et, dès lors, on conçoit très bien que celui-ci l'ait ramenée d'abord à Vaucouleurs.

La déposition de Durand Laxart, entendue de cette manière, est muette, il est vrai, sur l'incident du voyage à Saint-Nicolas, voyage fait en compagnie de Jacques Alain; mais cet incident n'ayant abouti qu'à un retour à Vaucouleurs, on comprend très bien qu'il ait pu le passer sous silence.

Ajoutons que si, dans la partie de sa déposition rectifiée par M. Quicherat, Durand Laxart avait eu réellement en vue le fait même du voyage à Saint-Nicolas, si bien caractérisé par la femme Henri, dans ses motifs et dans son but, il aurait probablement donné plus de relief à la mention de ce voyage, et n'aurait pas oublié, notamment, son fidèle compagnon, Jacques Alain.

Durand Laxart, poursuivant sa déposition, déclare que Jeanne se rendit ensuite à Nancy, sous la garantie d'un sauf-conduit qui lui avait été envoyé par le duc de Lorraine.

 

La déposition de Bertrand de Poulangy fait mention des mêmes voyages et dans le même ordre. Le voyage de Jeanne à Saint-Nicolas y est qualifié de pèlerinage. Il aurait donc été subordonné, dans la pensée de ce témoin, à un motif de dévotion, tandis que le voyage de Jeanne à Saint-Nicolas, dont parle la femme Henri, aurait été déterminé surtout par l'impatience où était celle-ci d'aller trouver le Dauphin.

Nous reviendrons plus loin sur ce désaccord apparent. Quant au voyage de Jeanne à Nancy, Bertrand de Poulangy se borne à dire que le duc de Lorraine avait voulu la voir et lui avait envoyé un sauf-conduit.

Ce voyage de Nancy pouvant avoir contribué à faire admettre celui de Saint-Nicolas-du-Port, il est bon de compléter ici l'exposé des faits qui s'y rattachent, et c'est par là que nous entrerons dans l'examen de l'opinion représentée par MM. Berriat Saint-Prix et Quicherat.

 

Jean de Metz, un des témoins entendus au procès de révision, parlant du voyage de Jeanne à Nancy, dit l'avoir escortée jusqu'à Toul (7). Il suivrait aussi de sa déposition qu'elle serait partie sur un cheval acheté à Vaucouleurs. Le bruit public était, si l'on en croit deux autres témoins, Jean Morel et Louis de Martigny (8), que le duc de Lorraine, ayant entendu parler de Jeanne et désireux de la voir, lui aurait donné ou simplement envoyé un cheval. Il est d'ailleurs établi par les propres déclarations de Jeanne au procès de condamnation (9), qu'elle n'est allée à Nancy que sur la demande du duc de Lorraine, qui voulait la consulter sur sa santé. Jeanne, il est vrai, profita de cette occasion pour engager le duc à la faire conduire en France, en lui promettant de prier Dieu pour sa santé; mais elle n'était pas venue pour cela. Ses voix lui avaient commandé de s'adresser au sire de Baudricourt (10), et non pas au duc de Lorraine.

 

Voilà ce que les deux procès nous apprennent du voyage de Jeanne à Nancy. Le mot de Saint-Nicolas n'est exprimé que deux fois, dans le procès de révision, par des témoins de l'intimité de Jeanne; et ce mot ne se rencontre pas une seule fois dans les interrogatoires du procès de condamnation.

Nos lecteurs ont maintenant sous les yeux tous les éléments de la solution recherchée. Jeanne est-elle allée à Saint-Nicolas-du-Port ? Y serait-elle allée, proprio motu, dans un but de dévotion, de Vaucouleurs, ou seulement par occasion, c'est-à-dire de Nancy, où elle avait été mandée par le duc de Lorraine ?

 

M. Berriat Saint-Prix, cherchant à expliquer le voyage de Jeanne à Nancy, par un motif étranger à celui qui nous en est donné dans les deux procès, suppose qu'elle aurait accompli, de son chef, un pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port, sous la conduite de son oncle, et que le duc de Lorraine aurait eu, à cette occasion, la curiosité de la voir et de la consulter sur une maladie. Cette explication, empruntée aux tendances de Jeanne et à sa piété connue, pourrait sembler admissible à ce point de vue; mais elle n'est pas d'accord avec les faits.

 

M. Quicherat, plus contenu par ceux-ci, mais dominé par l'idée que le Saint-Nicolas dont il est question dans les dépositions précitées ne peut être que Saint-Nicolas-du-Port, ne se rend pas, néanmoins, sans quelque peine à cette idée. Lieu célèbre par ses pèlerinages, dit-il, en rapportant à Saint-Nicolas-du-Port la première tentative de départ faite par Jeanne, en compagnie de Durand Laxart et de Jacques Alain, mais situé précisément à l'opposé de la route de France; on ne conçoit pas que Durand Laxart ait pris ce chemin pour mener la Pucelle à Charles VII; et cependant M. Quicherat veut bien admettre comme vrai ce qui lui paraît inconcevable, en supposant, d'après un mot échappé à Bertrand de Poulangy (peregrinagio), que ce détour si brusque aurait eu la dévotion pour objet; mais, dans ce cas, c'est-à-dire si Jeanne, toute pressée qu'elle était d'aller trouver le Dauphin, su fût ainsi détournée de son chemin, pour accomplir un pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port, elle n'aurait pas eu besoin, pour cela, de prendre des habits d'homme; et nous ne voyons pas non plus pourquoi, changeant ainsi de pensée et de but, elle aurait dit, en revenant, qu'il n'était pas honnête à elle de s'en aller ainsi (taliter recedere).

 

Prenons le mot recedere dans toutes les acceptions qu'on voudra lui donner : partir ou s'en aller, voyager, revenir sur ses pas; il n'en est pas une seule, dans l'hypothèse d'un pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port, entrepris volontairement, qui soit conciliable avec le sens des expressions ci-dessus rapportées.

Jeanne, allant en pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port, aurait fait, probablement, ce qu'elle aurait voulu faire; et dès lors, elle n'avait ni à le regretter, ni à se le reprocher, dans des termes semblables à ceux que la femme Henri ne fait que répéter d'après elle.

La seule apparence de raison que M. Quicherat puisse donner à son explication tient à un seul mot, celui de pèlerinage, employé par Bertrand de Poulangy; mais ce mot peut tout aussi bien convenir à Saint-Nicolas-de-Septfonds qu'à Saint-Nicolas-du-Port, et Bertrand de Poulangy ne spécifie pas celui que Jeanne aurait visité.

Ce qui pourrait cependant donner quelque faveur encore à l'opinion de M. Quicherat, c'est le rapprochement établi par Bertrand de Poulangy entre le voyage à Nancy et ce qu'il appelle un pèlerinage à Saint-Nicolas; mais la femme Henri, qui devait être ici mieux informée, puisque Jeanne est partie de chez elle pour aller à Saint-Nicolas, en compagnie de Durand Laxart et de Jacques Alain, la femme Henri, qui l'a reçue également chez elle à son retour, et qui nous explique si bien les motifs de celui-ci, qui nous le présente comme immédiat et sans rapport quelconque avec le voyage de Nancy, nous paraît devoir être considéré comme le seul témoin véritablement décisif et concluant dans la question.

 

La tentative de départ entreprise par Jeanne, dans la direction de Saint-Nicolas-de-Septfonds, ne pouvait manquer de lui apparaître aussi comme une occasion de préluder à son grand voyage par un acte de dévotion. Ses habitude et sa piété connues nous autorisent à le supposer. Rien d'étonnant à ce que Bertrand de Poulangy n'y ait vu que cela, Jeanne ayant dû tenir à garder, pour elle-même et pour ses compagnons de voyage, le secret d'une intention qui n'avait pu être suivie d'effet.

Si Jeanne d'Arc était allée de son chef à Saint-Nicolas-du-Port, elle aurait eu probablement des précautions à prendre; et nous voyons, en effet, qu'elle ne s'est rendue à Nancy que sur une invitation du duc de Lorraine, appuyée d'un sauf-conduit. Ce prince était alors dans une attitude au moins douteuse à l'égard de la France, et son gendre, le duc de Bar, allait se déclarer pour les Anglais. Ce que Jeanne nous apprend de son entrevue avec lui nous fait voir aussi qu'elle avait été très circonspecte et réservée dans ses discours, parum declarans ei de suo voyagio(11). Saint-Nicolas-du-Port se trouvait d'ailleurs à plus de deux lieues encore au-delà de Nancy, sur la route que Jeanne avait à suivre pour y arriver. C'était donc au moins treize lieues à faire, à ses risques et périls, et autant pour le retour, dans des chemins difficiles, en plein hiver, en février. Ce n'était guère, il faut l'avouer, le moment d'un pèlerinage, en considérant surtout que la pensée dominante de Jeanne était d'aller au plus vite où était le Dauphin. M. Quicherat se montre, il est vrai, préoccupé de ces considérations, mais il ne s'y arrête pas.

 

Ce qui reste bien évident, c'est que le voyage de Nancy ne peut être confondu d'aucune manière avec celui dont la femme Henri détaille si bien les circonstances et les motifs. C'est le Dauphin qu'elle allait chercher dans celui-ci; c'est le duc de Lorraine qu'elle allait trouver dans l'autre. La femme Henri nous la montre accompagnée, dans le premier, de Durand Laxart et de Jacques Alain, tandis que, dans le second, Jean de Metz, un de ses plus dévoués partisans, l'aurait suivie jusqu'à Toul. Il n'y a donc aucun rapport possible à établir entre ces deux voyages, dont le premier ne paraît pouvoir être rapporté qu'à Saint-Nicoles-de-Septfonds. M. Quicherat, qui, selon toute apparence, ignorait l'existence d'une localité de ce nom dans le voisinage de Vaucouleurs, s'est cru obligé de conduire Jeanne à Saint-Nicolas-du-Port; mais l'effort qu'il y met nous montre assez son embarras. Si nous en prenons acte ici, c'est uniquement dans l'intérêt de la vérité, dont il a mis lui-même le flambeau dans toutes les mains qui sauront le porter. Toute autre disposition d'esprit nous siérait mal, et nous sentons trop que si nous pouvons discuter contre lui, c'est toujours avec lui.

 

Si Jeanne d'Arc est allée à Saint-Nicolas-du-Port, elle ne pourrait y être allée que toute portée, c'est-à-dire étant à Nancy, où le duc de Lorraine l'avait mandée; mais les textes que nous venons de discuter ne nous donnent à cet égard aucun appui suffisant; et l'hypothèse même de ce voyage ne saurait infirmer ni la déposition de la femme Henri, ni les conséquences que j'en ai tirées à l'appui de l'opinion exprimée par MM. Lebrun des Charmettes et Barthélémy. Le voyage ou pèlerinage de Jeanne d'Arc à Saint-Nicolas-du-Port peut donc au moins sembler très douteux, depuis que l'existence d'un autre Saint-Nicolas, voisin de Vaucouleurs, a été constatée. J'y croyais auparavant, mais il n'en est plus de même aujourd'hui, que j'ai été conduit par la lettre de M. le curé de Vaucouleurs à examiner les textes de plus près.

Quoiqu'il en soit, si les objections que je viens de présenter ne paraissent pas entièrement décisives, elles m'ont paru dignes au moins d'être soumises à l'attention de ceux qui ne sont indifférents à rien de ce qui touche à Jeanne d'Arc, et qui tiennent à éclairer d'un jour vrai jusqu'aux moindres particularités de son histoire.

 

Ma tâche pourrait sembler remplie. Je tiens à profiter, néanmoins, de l'occasion qui se présente à moi d'indiquer les rectifications que j'aurais à proposer dans le classement des différents petits voyages faits par Jeanne d'Arc, avant son départ de Vaucouleurs pour Chinon. Je vais les énumérer successivement, dans l'ordre qui m'a été commandé par une attentive confrontation des textes judiciaires, en y ajoutant les dates, autant que possible :

 

1° De Domrémy à Neufchâteau, lors d'une invasion du parti anglo-bourguignon, qui mit les habitants du village dans la nécessité de fuir. Retour à Domrémy, après quelques jours d'absence.

 

2° De Domrémy à Toul, où Jeanne était appelée à comparaître devant l'officialité du diocèse, pour une prétendue promesse de mariage. Il paraît, d'après certains détails du procès de condamnation (12), que ce voyage aurait suivi de très près celui de Neufchâteau. Remarquons ici que le Petit-Burey, village où résidait Durand Laxart, et Vaucouleurs, où commandait le sire de Baudricourt, étaient sur le chemin de Domrémy à Toul, et que, dans la disposition d'esprit où était Jeanne, elle ne pouvait manquer cette occasion de s'y arrêter.

 

3° Retour de Toul à Domrémy, en passant par Vaucouleurs. C'est alors que Jeanne aurait vu pour la première fois, le sire de Baudricourt et Bertrand de Poulangy, ce qui, d'après la déposition de ce dernier, nous reporte à une date voisine du jour de l'Ascencion (13 mai 1428). Bertrand de Poulangy, parlant de cette entrevue, dit que Durand Laxart reconduisit Jeanne à la maison de son père. Durand Laxart était donc avec elle, et l'avait probablement accompagnée dans son voyage de Toul.

 

4° En janvier 1429, voyage de Jeanne au Petit-Burey, sur la demande de son oncle, et sous prétexte des soins que réclamait alors la femme de celui-ci, voyage consenti par ses parents (13). Séjour de six semaines environ, suivant Durand Laxart (14), et pendant lesquelles Jeanne en aurait passé trois chez la femme Henri, à différentes reprises, per intervallum temporis (15), ce qui veut dire que Jeanne allait et venait plus ou moins souvent du Petit-Burey à Vaucouleurs, et de Vaucouleurs au Petit-Burey. Bertrand de Poulangy, parlant de sa deuxième rencontre avec Jeanne, la rapporte au même temps (16).

 

5° Pendant le séjour de Jeanne à Vaucouleurs, chez la femme Henri, tentative de départ effectuée jusqu'à Saint-Nicolas-de-Septfonds, où Jeanne s'arrête, ne se trouvant pas dans des conditions convenables pour aller plus loin, et prompt retour à Vaucouleurs.

 

6° Voyage de Vaucouleurs à Nancy, sur la demande du duc de Lorraine, et retour à Vaucouleurs. L'époque de ce retour est rapprochée par Jean de Metz du premier dimanche de Carême (dimanche des bures), 13 février 1429 (17).

 

7° Voyage de Vaucouleurs à Chinon par Saint-Urbain, Auxerre, Gien et Sainte-Catherine-de-Fierbois. Durée de ce voyage, onze jours (18). Date de l'arrivée à Chinon, donnée par le continuateur François de Guillaume de Mangis, 6 mars 1429 (19). Si ces indications sont vraies, la date de départ de Vaucouleurs aurait été celle du 25 février.

 

La considération la plus importante à garder, relativement à ces premiers voyages de Jeanne, est, comme elle le dit elle-même (20), l'état de grande subjection où elle était tenue par ses parents, notamment par son père, et l'ignorance où ils ont été, jusqu'à la fin, de son départ, à tel point qu'ils faillirent en perdre le sens aussitôt qu'ils en furent informés.

 

Telle est la donnée principale à laquelle j'ai dû me conformer dans le classement que je viens de présenter. Toutes les tentatives de départ que Jeanne a pu faire ont dû être subordonnées à des absences motivées et avouées par ses parents. J'ai rapporté ainsi la première des tentatives de Jeanne au voyage de Domrémy à Toul par Vaucouleurs, et toutes les autres, au temps qu'elle a passé près de son oncle, avec la permission de ses parents, qui la croyaient toujours au Petit-Burey.

 

Deux itinéraires de Jeanne d'Arc ont déjà été donnés, l'un par M. Berriat de Saint-Prix, l'autre par M. Quicherat. Chacun de ces itinéraires embrasse toute la vie de Jeanne d'Arc; et celui que je viens d'ébaucher s'arrête aux limites mêmes de mon sujet. Il est facile de voir en quoi nous différons sur les points dont j'ai eu à m'occuper.

 

Lettre envoyée par M. le curé de Vaucouleurs:

 

" Je suis heureux de pouvoir répondre d'une manière satisfaisante à votre demande. D'après de nouveaux renseignements recueillis de la bouche des anciens et de personnes dignes de foi, il y avait une chapelle en grande vénération à quatre kilomètres de Vaucouleurs, sous l'invocation de saint Nicolas, dans la vallée de Septfonds.

Les ruines de cette chapelle existaient encore en 1815. Je me suis transporté sur les lieux : le propriétaire actuel m'a montré l'emplacement et un cimetière en avant d'où plusieurs cercueils ont été extraits, en faisant disparaître les derniers vestiges de ces lieux religieux.

J'ai vu et touché un Christ en bois bien dur, un peu mutilé, mais bien conservé dans son ensemble (c'était le Christ de la chapelle), et dont la tête est d'une beauté remarquable.

Ce Christ est de grandeur naturelle. Une tradition constante fait remonter cette chapelle à une haute antiquité; on va même jusqu'à dire qu'il y avait une maison religieuse. Les cercueils retrouvés semblent prouver cette opinion.

J'ai vu la fontaine qui porte le nom de Fontaine de Saint-Nicolas encore aujourd'hui; il est très probable que Jeanne d'Arc aura accompli son pèlerinage à la chapelle de Saint-Nicolas-de-Septfonds, surtout dans ces temps-là, où les différents partis qui ravageaient le pays ne permettaien guère à une pauvre fille de se rendre à Saint-Nicolas-du-Port, éloigné de Domrémy de cinquante kilomètres.

Voilà, Monsieur, les renseignements que j'ai pu recueillir et qui répondent à la demande que vous avez bien voulu m'adresser.

J'ai l'honneur d'être, etc.


Tihay,

Curé de Vaucouleurs."

 

 

(1) Jeanne d'Arc, p. 184.

(2) Procès de condamnation et de réhabilitation, p. 444 et 447.

(3) M. Lebrun des Charmettes. t. I, p. 331 et 335; - M. l'abbé Barthélémy, t. I, p. 70.

(4) Souvenirs du Bassigny champenois, p. 11.

(5) Lettre de M. le curé de Vaucouleurs, en date du 27 mars 1851, reproduite plus loin.

(6) Si je traduis ici le mot recedere du texte latin, c'est qu'il est presque toujours employé dans ce sens. Exemple tiré de la déposition de Jean de Metz : "Et tunc, idem Johannes, testis, promisit eidem Puellae, per fidem suam in sua manu tactam, quod eam, Deo duce, duxerat versus regem; et tunc, idem testis loquens, petiit sibi quando vellet recedere; quae dicebat : "Citius nunc quam cras."(M. Quicherat, t.II, p. 436). "Aujourd'hui plutôt que demain". Nouvelle preuve de l'impatience de Jeanne, et preuve, sans réplique, du sens attaché au mot recedere par les greffiers du procès.

(7) M. Quicherat, t. II, p. 437.

(8) Id., t. II, p. 391 et 406.

(9) Id., t. I, p. 54 et 221.

(10) Id., t. I, p. 53.

(11) Id., t. I, p. 222.

(12) Id., t. I, p. 214 et 215.

(13) Id., Dépositions d'Isabelle, femme Gérardin, de Mongette, femme Joyart, et du fils Colin, t. II., p. 428, 430 et 431.

(14) Id., t. II, p. 413.

(15) Id., t. II, p. 446.

(16) Id., t. II, p. 456.

(17) Id., t. II, p. 437.

(18) Ibid.

(19) Id., t. IV, p. 313.

(20) Id., Interrogatoire du 12 mars, t. I, p. 128 à 132.

 

(d'après les mémoires de la S.A.H.O., tome V, ancienne série).