Note sur les fiefs et lieux cités.
Le Mont et
Luminard, lieux presque attenants, sur la paroisse de Saint-Denis-en-Val, se composaient de sables d'alluvion, d'une étendue assez considérable, mais de médiocre valeur, plantés d'oseraies ou à l'état de pâtures.
Luminart avait : maison, cour, courtil, vignes et 28 arpents de terre, qui étaient chargés de 28 sols 3 deniers parisis de cens annuel.
Certaines sources disent que Jehan du Lys avait récupéré Luminart dans sa succession paternelle, et l'avait loué en 1495 aux frères Chauvot, de Saint-Denis-en-Val, pour une rente de 4 livres et demie par an, avec en plus l'obligation d'y faire certaines constructions.
On peut en douter, car on étudiera plus loin deux actes de 1460, nous précisant que ce lieu appartenait à Mengin de Vouthon et à son épouse Guillemette, oncle et tante de Pierre du Lys, qui le vendent alors à un bourgeois d'Orléans nommé Jehan de Thamenay.
On verra qu'il est précisé que Mengin avait obtenu ce lieu "de son conquest", et donc par un achat personnel. Il y vécurent tout de même jusqu'à leur mort.
Si le fait s'avère exact, il serait intéressant de savoir comment cet endroit est revenu dans le patrimoine de Pierre du Lys ! Nous nous en tiendrons pour le moment aux deux actes de 1460.
Le Mont était un fief des de Brunet, famille de Saint-Denis-en-Val, dont Antoine avait épousé Marguerite du Lys, fille de Jehan d'Arc, et donc cousine (et héritière) de Jehan du Lys.
Le Mont fut détruit en 1789. Luminart existait encore en 1892. Un lieu porte encore ce nom sur la commune.
L'Ile-aux-Boeufs appartenait en propre à la famille d'Orléans, qui n'en concéda que l'usufruit et l'exonération fiscale.
Cette faveur accordée à Pierre du Lys et à Jehan du Lys, son fils, se transmettra à Antoine de Brunet. Cette île, constituée principalement en atterrissements de la Loire, était de contenance fort variable, par suite des délaissements ou des érosions du fleuve, lors de ses crues périodiques, qui en augmentaient ou en réduisaient l'étendue.
La Métairie de Bagnault (Bagnaux) relevait sans doute du chapitre cathédral. Elle ne devait pas être très juteuse, et c'est sans doute pour cette raison que Pierre du Lys sollicita - et obtint - le bail de l'Ile-aux-Boeufs, pour ainsi augmenter quelque peu son revenu.
Ces endroits étaient donc des terres agricoles, d'une assez vaste étendue, mais d'un revenu relativement faible.
La plupart de ces terres entrèrent au 16ème siècle dans les dépendances du château de l'Ile, appartenant alors au bailli d'Orléans Groslot. Une partie fut détruire lors de l'inondation de 1866. En 1892, le titulaire en était M. de Terrouenne.
Pour Jehan du Lys, venu par son mariage, le fief le plus important semble avoir été le lieu de Villiers-Charbonneau, en Sologne, sur la paroisse d'Ardon, et qui comportait trois ou quatre métairies et autres dépendances.
Ces domaines devaient lui permettre de vivre correctement, si l'on y ajoute les vignes et rentes diverses, avec La Couaspellière, La Goislière et aussi l'étang du Coignier.
Le domaine de l'Ile, à Saint-Denis-en-Val :
(extraits Bull. S.A.H.O. - t.2 - 1853 - pp. 19 à 23)
Vers 1383, le manoir de l'Isle avec la métairie qui en dépendait, appartenait alors à la famille Bourdon, d'Orléans.
Ce terrain avait pris le nom d'Ile, parce que primitivement la Loire l'entourait de ses eaux, et pour le distinguer de trois autres terrains autrefois aussi cernés par deux bras du fleuve, et désignés sous les noms de Petite-Ile, Haute-Ile, Ile-aux-Boeufs; on l'appela tantôt la Basse-Ile, tantôt le Boison ou Buisson-Baudry, l'Ile-Bourdon, l'Ile-aux-Bourdons.
Ces dénominations nous indiquent que l'île dont nous parlons était boisée, car "buisson" a été longtemps synonyme de forêt (on désignait la forêt de Montargis sous le nom de Buisson-de-Peaucourt), et qu'elle appartint aux familles Baudry et Bourdon.
L'Ile-aux-Bourdons faisait partie de la paroisse de Chécy, et n'était anciennement séparée de la rive droite que par un canal très étroit; mais ce canal s'élargit peu à peu, et les eaux abandonnèrent le lit méridional pour se porter au nord et former le chenal actuel; elle relevait partie en fief du vicomte d'Orléans, partie en censive de Pierre de Champferré, écuyer, seigneur de la Haute-Ile. Jehan Bourdon payait à Pierre de Champferré 2 deniers parisis de cens, par arpent, chaque année, le jour de "Notre-Dame-Chandeleur".
Le 25 mai 1403, Jehan Bourdon, d'Orléans, héritier et exécuteur testamentaire de Jehanne "la Bourdonne", première propriétaire connue de l'Isle, constituait sur cette terre une rente annuelle et perpétuelle de vingt-huit sous parisis au profit de Jehan Cousin, bourgeois d'Orléans, ou des héritiers et ayant cause dudit Cousin, pour un capital de vingt livres tournois, compté en écus d'or de la couronne du coin du roi (l'écu d'or en 1403 valait 22 sous 6 deniers).
Le 10 novembre 1467, un autre Jehan Bourdon, écuyer, fils du précédent, et de Marguerite La Bannière, demeurant à Armonville-la-Sablon, en Beauce, donnait l'hypothèque, sur une partie de l'Ile-aux-Bourdons, à Estienne Grolot (Groslot), marchand tanneur d'Orléans, pour une rente annuelle et perpétuelle de 3 écus d'or, au capital de 30 écus d'or. Cette partie de l'isle était tenue en fief de Denis Rogier, entreposeur du grenier à sel d'Orléans et seigneur de Poinville.
Ce même Jehan Bourdon et son beau-frère, Guillaume Chabault, écuyer, époux de damoiselle Mathurine Bourdon, vendirent en 1475 le lieu et métairie de l'Ile-aux-Bourdons à Jehan Grolot l'aîné, frère d'Estienne cité ci-dessus, et époux de Marion Bourdon.
Jehan Grolot l'aîné donna le lieu, manoir, métairie et appartenances de l'Ile-aux-Bourdons à son neveu et filleul, Jehan Grolot, dit le jeune, fils d'Estienne, au mois de mai 1487.
La terre de l'Isle, passée des mains de la famille Bourdon dans celle des Grolot, reçoit d'énormes accroissements par des acquisitions successives.
Jacques Grolot, fils de Jehan dit le jeune, non content du magnifique hôtel qu'il avait fait construire sur la place de l'Etape, veut avoir un château sur sa terre de l'Isle et les travaux commencent en 1530 (nb : il est pratiquement détruit de nos jours).
Il demande même au roi l'autorisation d'avoir un pont-levis.
Jacques Grolot achète de messire Jehan de Châlons, écuyer, seigneur du Bois, la censive, justice, seigneurie, dîme, champart, droits, profits, rentes et émoluments en dépendant de la Haute-Ile, appelée aussi du nom de ses différents propriétaires : Ile-Chalançois ou Charançois, Ile-Champferré, Guéret, Garnier.
Le roi accorde aussi à son féal bailli d'Orléans, le droit de pêche dans la Loire, et le droit d'avoir colombier, garenne et fossé à poissons.
Jacques Grolot ajoute sans cesse à l'importance de sa terre de l'Isle; il établit dans le voisinage des moulins à eau, un moulin à vent, une tuilerie et une briqueterie.
Il se rend acquéreur des métairies du Mont et du Caillot, obtient du roi, par échange, l'Isle-aux-Boeufs d'une étendue de 84 arpents (*), achète tout ce qu'il trouve à vendre aux environs, et traite avec Pierre Briconnet, seigneur de Cormes, pour le droit de suzeraineté à exercer sur les fiefs de Montantin ou l'Ardoise, paroisse de Saint-Denis-en-Val, de Lagrange, paroisse de Sandillon, quartier de Puchesse, et sur le domaine de Luminart.
Enfin, il institua un prévôt et un greffier pour exercer dans sa seigneurie le droit de justice haute, moyenne et basse.
En 1548, la terre de l'Isle comprenait 671 arpents 25 perches; elle prit dans la suite de nombreux accroissements et atteignit dans sa plus grande étendue 1.077 arpents 83 perches, dont une grande partie relevait en fief du duc d'Orléans.
(*) Pour obtenir les 84 arpents de l'Isle-aux-Boeufs, qui ne se louaient que de 6 deniers à 2 sous l'arpent, il donna 140 arpents de bois, dans la forêt d'Orléans, qui, mis en culture, auraient pu rapporter 10 sous par arpent.