Jehanne en Lorraine avant le départ vers le roi.
Le Bois-Chenu qui avait connu ses jeux d'enfants, où, en ronde, avec ses amies Mangette et Hauviette, elle chantait autour du bal arbre des Fées (1), allait voir le ravissement de Jeannette, lorsque, chassant la légende profane, sainte Catherine et sainte Marguerite, radieuses figures célestes, lui redirent la détresse de la France et l'appel divin.
Chaque semaine, Jeannette allait à Vouthon rendre visite aux parents d'Isabelle Romée qui en était originaire. Elle empruntait un sentier que l'on désigne encore sous le nom de
"sentier des avisselots" (petits oiseaux).
Familiers de Jeannette, rapporte la tradition, ces compagnons ailés avaient accoutumé de lui faire une escorte gracieuse jusqu'à la sortie de la forêt se gardant bien des espaces découverts.
"En route, avisselots !" leur disait-elle au retour et eux de l'accompagner jusqu'à Domrémy.
Presque tous les samedis, elle montait en pèlerinage à Notre-Dame-de-Bermont, au-delà de Greux. Chemin faisant, elle cueillait les fleurs qu'elle offrirait à Notre-Dame.
L'horizon que l'on découvre en cheminant surprend par son étendue dans ce pays de faible altitude. Il retient, entre ses promontoires aux crêtes boisées et les pentes adoucies de la vallée, toute la petite enfance de Jeanne : à droite, le Bois-Chenu (que signale la flèche de la basilique élevée à sa mémoire); au pied, dans une dépression de terrain qui semble un creux de berceau, Domrémy et son clocher carré; dans le lointain, les hautes tours de Bourlémont gardent la route par laquelle s'enfuyait vers Neufchâteau tout le village alerté lorsque le danger grandissait. Et face au Bois-Chenu s'ouvre le chemin de Vaucouleurs que cache l'éperon de Burey-la-Côte. Là s'imposent à l'esprit toutes les angoisses que connut Jeanne avant son entière acceptation. "Vaucouleurs... Vaucouleurs..." lui répétaient ses Voix... L'aspect de son pays éclaire sa destinée...
Les bandes bourguignonnes apparaîtront dans la vallée de la Meuse, mettant en péril les habitants forcés de se réfugier à Neufchâteau, à deux lieues au sud de Domrémy. La châtellenie de Vaucouleurs est envahie... Vaucouleurs lui-même est assiégé, sa capitulation conditionnelle décidée.
A Neufchâteau, Jeanne logea chez Jean VALDAIRES, dont la femme était surnommée "la Rousse". Il est difficile de déterminer l'emplacement exact de la maison, car l'hôte de la famille d'Arc en possédait deux : l'une au 27 de la rue Ferry actuelle, l'autre rue Gohier.
Jeanne était à Neufchâteau lorsqu'elle fut appelée à comparaître devant l'Official, Henri de VILLE, à Toul, siège de l'évêché dont dépendait Domrémy. Elle y gagna son premier procès ecclésiastique : un prétendant à sa main, ayant faussement invoqué une promesse de fiançailles, fut confondu par elle et accusé d'imposture. Jeanne y fut reconnue "libre de tout lien." (2)
De Neufchâteau, où elle a rejoint les siens, elle regagne Domrémy. Après avoir connu la fuite précipitée, elle connaît maintenant le retour au foyer pillé et dévasté.
En mai 1428, elle passe une huitaine de jours à Burey-le-Petit (aujourd'hui Burey-en-Vaux), chez Durand LAXART, qui avait épousé une nièce d'Isabelle Romée et qu'elle appelait son oncle, car il était de seize ans plus âgé qu'elle. Elle en fait son confident et, le premier, il croit en elle.
Sur sa demande, il la conduit au château de Vaucouleurs le 13 mai.
"Messire - dit-elle à Baudricourt, capitaine de la garnison - je viens de la part de mon Seigneur afin que vous mandiez au Dauphin de bien se tenir, de ne pas engager de bataille avec ses ennemis parce que mon Seigneur lui donnera secours après la mi-carême. Le royaume ne regarde pas le Dauphin, mais il regarde mon Seigneur. Cependant mon Seigneur veut que le Dauphin devienne roi et qu'il tienne ce royaume en commende. Il sera roi, malgré ses ennemis, et moi, je le conduirai à son sacre."
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"Quel est ton Seigneur ?" demande Baudricourt.
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"C'est le Roi du Ciel."
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"Cette fille déraisonne, dit-il à Durand Laxart.
"Ce que vous devez faire, c'est de la ramener chez elle avec de bons soufflets."
L'on voit encore à gauche de la porte de France la porte basse dite de Vaucouleurs ou de Neuville, par laquelle, à cette date, Jeanne sortit du château sous les huées.
Elle rentre à Domrémy, contristée, mais sa confiance n'est pas ébranlée.
(1)
"L'arbre des Fées" ou "Beau Mai" , qui fut brûlé au XVIIè siècle par les Suédois, a été remplacé en 1881, par le
"Beau Mai" actuel planté à gauche de la basilique. Si l'on dépasse le Carmel, on aperçoit sur une crête boisée le château des seigneurs de Bourlémont, propriétaires du
"Beau Mai"
(2) L'aile gauche de l'hôtel de ville porte une belle inscription relatant l'évènement.
Tiré de
"En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France", par M.F. Richaud et P. Imbrecq, fondatrices de l'Association des Amis de Jeanne d'Arc - Lib. Plon - 1956.